mardi 4 janvier 2011

Matata n'est plus......

Les mélomanes de ce fils de Kinama se sont réveillés avec une sombre information ce matin, les uns voulant en savoir plus, les autres déjà désabusés dans ce Burundi friand en rumeurs : ce mardi matin, on annonçait la mort de Jean Christophe Matata, l'une des plus grands figures de la musique contemporaine burundaise. Contacté par la rédaction, Serge Nkurunziza, chanteur et grand ami du célèbre auteur de Nyaranja, Mukobwa Ndagowe et autres Samantha témoigne que « Christophe était en Afrique du Sud pour une série de spectacles. Il a même joué ce samedi passé, avant qu'il ne m'appelle hier soir pour me dire qu'il était alité. » Les raisons : une crise de pneumonie. Tard dans la nuit de ce lundi 3 janvier 2011, le second coup de fil que reçoit Serge est sans détour : celui qui allait fêter ses 50 ans avec son pays natal vient de rendre l'âme... La famille des musiciens burundais et de nombreux amoureux de la musique burundaise sont dans le deuil. Tishiocmm vous propose la dernière interview que le chanteur, naturalisé belge, a accordé à la rédaction, notamment sur sa conception de l'engagement en musique...


A quelques mois des scrutins, Jean Christophe Matata s’exprime sur le mariage entre artistes et politiques, considéré par certains comme une ‘prostitution’. Cette grande figure de la musique burundaise contemporaine nous livre aussi ces projets au Burundi.

Matata est-il définitivement de retour au pays?
Oui. Je me suis dit qu’il est temps de rentrer pour écouler ma vie tranquillement parmi les miens. Je n’ai pas résisté à la soif du contact humain, qui constitue 75% de ma vie. L’Europe, c’est difficile sur ce plan-là. Je me suis dit que ce serait mieux que je redevienne le Jean Christophe Matata que les gens ont connu il y a des années.

Cela se murmure : Matata aurait été chassé de la Belgique…
Archifaux. Je suis Belge, j’ai eu la chance d’être accueilli par la Belgique il y a 18 ans, un pays auquel je suis reconnaissant tant sur le plan professionnel que social. J’y ai produit trois albums, j’y ai eu un enfant ; c’est une importante partie de ma vie.

Ou encore que Matata serait spécialement venu pour la campagne du Président Pierre Nkurunziza ?
[Rires] Au Rwanda, on disait que j’allais animer le mariage du roi Kigeri en 1990. Après, les rumeurs  ont affirmé que je composerai l’hymne national du FPR. J’ai même été tabassé à mort pour cela. Tout ceci est faux. En kirundi on dit «Baragahora babesha !» - Qu’ils mentent toujours ! Mais si je suis amené à soutenir une figure politique, je n’hésiterai pas !

N’est-ce pas vendre votre talent contre des avantages fournis par le politique ? Certains appellent cela une certaine forme de ‘prostitution’…Aux Etats-Unis, on a eu des artistes qui se sont prononcés pour le Président Barack Obama lors de sa campagne. D’autres l’ont fait pour Sarkozy en France. Pensez-vous qu’on ne regarde plus leurs films, ou qu’on ne va plus à leurs concerts parce qu’ils se sont affichés? Pas du tout ! Il y a près de vingt ans, tout le monde savait que j’étais un fan de l’équipe Vital’O, et je n’en ai jamais souffert. Pourquoi ne m’afficherai-je pas en politique ? C’est une question de conviction personnelle.

Mais on ne peut pas comparer Hollywood à l’industrie culturelle burundaise, quasi inexistante. Ils ont une indépendance financière que nos artistes n’ont pas ! Tout est question de perception : si un artiste décide de s’afficher derrière un candidat présidentiel, c’est son droit le plus absolu. Cela se passe partout au monde. C’est plutôt intéressant que les artistes se rangent derrière un programme, les politiques en ont besoin.

Ce qui attire le politique, n’est-ce pas d’exploiter la visibilité de l’artiste pour faire passer son message ?Évidemment, cela est possible. Et puis la visibilité de l’artiste est aussi sa faiblesse: quand un citoyen lambda s’affiche pour un politique, on se tait. Mais dès qu’il s’agit d’un artiste, on crie au scandale ! Pour moi, il est clair et net que je dois faire un choix. Le civisme m’y oblige.

Avez-vous des projets concrets pour votre retour ?J’ai la chance d’avoir une carrière de 30 ans derrière moi, et la possibilité de mettre mon travail sur le marché européen ou canadien. Je voudrais faire profiter les jeunes générations des connections que j’ai établies à l’étranger. Avec un ami, je viens d’ouvrir une maison de vente d’œuvres musicales au Rwanda. Je compte le faire aussi ici. L’idée est simple : faire profiter à l’artiste le fruit de son labeur.

On évoque l’ouverture prochaine de votre studio ?J’attends juste l’arrivée des instruments. Avec le dédouanement et tous les papiers administratifs, il faut de la patience.  Je pense aussi créer un centre musical, où les gens viendraient le soir apprendre à jouer par exemple de la guitare, au lieu de se ruer au bistrot.    

Décrivez-nous la vie de Matata en Europe, le plus fort des souvenirs…Une vie toute simple : une tasse de thé le matin, le studio toute la journée, la préparation de spectacles, … Évidemment, quand on se retrouve sur scène avec un Youssou N’dour – à l’occasion du 50ème anniversaire du HCR à Génève, on mesure la grandeur de ce monsieur. Je voudrais aussi rendre hommage à Jackie Rapon qui m’a aidé pour la sortie de mon album zouk. Mon plus grand regret : avoir raté le passage de Lucky Dubé en Belgique… Cela aurait été le plus grand moment de ma carrière.

Jean Christophe Matata a-t-il gardé sa nationalité burundaise ?Bien sûr ! Quelle question ! Mais je suis aussi Belge…

Votre plus grand rêve ?Aller au Ciel.


Rappelons que Jean Christophe MATATA aurait un concert le 18/Mars 2011 à 20h à l'initiative du conseil francophone de la chanson reliant la racine africaine aux musiques d'aujourd'hui, dans ce concert on trouve aussi les artistes burundais comme Steven Sogo et RIZIKI 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire